1. Colin-maillard, saute-mouton, cerceau, cochon pendu : tous ces "Jeux d'enfants" et bien d'autres (on en compte en tout quatre-vingt-quatre) sont décrits avec précision et humour dans le même tableau. Nous sommes au 16ème siècle, en 1560 exactement, sur la place d'une ville de Flandres . L'artiste qui a peint cette toile si amusante s'appelle Peter Bruegel. Il est le premier peintre de l'histoire à s'intéresser aux jeux d'enfants.
2. Mais Bruegel n'est pas seulement un merveilleux observateur du monde des enfants. TOUT ce qui l'entoure l'intéresse et il le raconte dans ses tableaux. Jeux d'enfants, rassemblements joyeux, noces paysannes, scènes de la vie quotidienne , paysages de Flandres qu'il aime tant, guerres et folies humaines l'inspirent. Même les scènes de la Bible se passent ... en Flandres et non en Palestine ! Chaque tableau de Bruegel raconte une histoire avec de nombreux détails et nous renseigne sur cette époque si intéressante que fut la Renaissance en Europe du Nord.
3. L'époque de Bruegel apporte beaucoup de nouveautés utiles comme les progrès de la médecine, l'invention de l'imprimerie ou les grandes découvertes. Mais elle est aussi marquée par ce qu'on a appelé "les guerres de religion" : bien des massacres et beaucoup d'horreurs ont été commis au nom de la religion. Le peintre flamand a été très touché par les événements dont il a été le témoin. Que s'est-il passé ?
4. Au début du 16ème siècle, l'Eglise catholique connaît une grave crise. Oubliant le message d'amour et de pauvreté de Jésus, de nombreux prêtres et évêques ne songent qu'à une seule chose: s'enrichir. En Allemagne, un moine nommé Luther proteste. Il est bientôt suivi par beaucoup de monde, surtout en Europe du nord. Ceux qui suivent Luther sont appelés des "Protestants". L'Europe se divise en deux camps ennemis. Au nord, les protestants. Au sud les catholiques. Tous croient au même Dieu mais cela ne les empêche pas de s'entre-tuer.
5. La Flandre, le pays de Bruegel, est attirée par la nouvelle religion protestante. Malheureusement, cette région appartient à l'Espagne, pays très catholique. Le roi d'Espagne, Philippe II, envoie une armée de 100 000 hommes pour obliger les Flamands à rester catholiques. Ceux qui résistent sont impitoyablement massacrés, même les femmes et les enfants! Bruegel assiste à de nombreuses atrocités. Sa peinture le montre: massacres, paysages brûlés, scènes de guerre, folie ...
6. Mais Bruegel est prudent et malin. Il sait que les Espagnols n'aimeraient pas qu'on les représente comme des assassins, alors il peint toujours des scènes de la Bible qui racontent un massacre. On ne peut donc pas l'accuser d'être contre les Espagnols. Seulement, les personnages des tableaux de Bruegel ont des costumes du 16ème siècle et les méchants des uniformes ... espagnols.
7. Le style de Bruegel rappelle celui de Bosch, autre grand peintre flamand. Bruegel admire beaucoup son aîné. On retrouve dans ses toiles le même souci du détail, la même volonté de raconter une histoire et bien sûr, tout ce peuple de créatures diaboliques si présent dans l'œuvre de Bosch. Il y a cependant des différences. Alors que Bosch fait surtout parler son imagination, Bruegel cherche d'abord à montrer ce qu'il observe. Les personnages de Bruegel sont frappants de réalisme et nous renseignent parfaitement sur les habitudes et coutumes de son époque : nourriture, danses, jeux, décors ... Quant aux paysages, ils montrent à quel point Bruegel maîtrise son art. Rien n'échappe à l'œil attentif du peintre : ni les saisons, ni les animaux, ni les changements de lumière.
8. "Dans ses œuvres, il y a toujours plus à voir que ce qui est peint" dira à sa mort en 1569, son ami Abraham Ortélius. Continuateur de Bosch, prédécesseur de Rubens et de Rembrandt, il a accompli en moins de vingt ans une œuvre d'une très grande richesse, unique pour son époque et qui, 500 ans plus tard, fascine toujours autant.